L’infanticide, regard d’un historien. La Bretagne au début du XIXe siècle

Lundi 8 avril 2019

« L’infanticide, regard d’un historien. La Bretagne au début du XIXe siècle »
Monsieur Pierre BRULE

Dans le temps et l’espace des sociétés humaines, le refus de l’enfant a pris et prend plusieurs formes : qu’on l’appelle exposition, abandon (si pratiqué en France jusqu’au XXe siècle), avec ses corollaires : le vol et le trafic d’enfants (90 000/an, en Chine aujourd’hui), le refus de soins, le fœticide féminin (une cause des dizaines de millions de femmes manquantes aujourd’hui en Extrême-Orient), et sa forme paroxystique : l’infanticide. Le regard porté sur ces meurtres ne sera ni moral, ni criminaliste, ni doloriste, mais anthropologique et historique à l’aide d’un exemple bien circonscrit dans le temps et dans l’espace : la Bretagne du début du XIXe siècle. Historien, mon analyse dépend de mes sources : ce seront les archives judiciaires, les plus complètes sur ce sujet. Grâce à elles il est possible de dépasser l’émotion de l’instant pour interpréter. Au-delà de l’événementiel de l’infanticide, dans un optique compréhensive, ce sont les communautés des campagnes bretonnes dans leur misère inimaginable qui apparaissent. On décrira les itinéraires qui ont poussé ces malheureuses au crime, d’analyser si possible les logiques économiques, sociales, psychologiques qui ont été les leur. Pour cela il faut entrer dans leurs tactiques, leurs ruses, il faut discerner les réactions de la famille, du voisinage, des autorités. Face à un tableau quasi insoutenable (j’en préviens les éventuels auditeurs), l’historien doit garder sa rigueur, éviter le style exclamatif ; ainsi espère-t-il apporter beaucoup à l’histoire du corps et de la solitude, à celle de la communauté humaine (village, hameau) et, plus encore, celle de la rumeur, du commérage et de la sensibilité à l’égard du nouveau-né.